24 Nov 2009 Y’a des claques qui se perdent au Québec…
Je vous partage un billet que j’ai récemment écrit pour le compte du magazine Marketing Qc, anciennement AMPQ, dans le cadre du lancement de sa première édition papier.
Je vous invite à vous procurer le magazine, il y a plusieurs sujets intéressants sous la thématique « Le pari planétaire de la pub québécoise », le premier d’une série de dossiers à venir sur l’internationalisation de la publicité québécoise, ainsi qu’un regard sur l’art du marketing relationnel.
Article paru en novembre 2009
Marketing QC
Y’a des claques qui se perdent au Québec… pendant qu’à l’international on se tape dans l’dos!
La sélection naturelle opère ! Au Canada, il n’a fallu que 15 ans à la publicité Internet pour devancer la radio en matière de dollars publicitaires alloués par les annonceurs. Selon certaines prévisions canadiennes, les journaux connaîtront le même sort d’ici 2011, et ce sera au tour de la télévision en 2014. Vous êtes incrédules ? Le Royaume-Uni ne l’est plus ! On y annonçait récemment qu’Internet venait officiellement de damer le pion à la télévision pour les investissements publicitaires.
Alors que l’évidence s’impose, que faisons-nous au Québec ? Nous débattons sur le sujet. Nous observons, nous attendons. Beaucoup de discours, de bla-bla, mais pas d’actions concrètes. On regarde passer la parade !
Récemment, j’assistais à une conférence regroupant les grandes agences, annonceurs et groupes médias de l’industrie publicitaire québécoise. Le sujet de la conférence : les enjeux des médias traditionnels en cette ère de transformation numérique.
Pourquoi un tel débat ? C’est simple. Le Web commence sérieusement à menacer la profitabilité de ces grands médias. Et pour cause ! La publicité en ligne représente dorénavant 11 % des investissements publicitaires canadiens et elle est en forte croissance : 29 % la dernière année. Rien à voir avec la croissance des investissements télé (+3 %), journaux (-3 %), radio (+5 %) et magazines (-4 %).
Mais revenons au débat pour un instant. Avec de tels pourcentages, j’étais sidéré de constater que les grands dirigeants des médias présents au panel (TVA, Astral Media Affichage, Corus Québec, Médias Transcontinental) ne semblaient avoir aucun plan concret pour l’avenir de leur média. Je vous résume les grandes lignes de discussion : « On s’en sort bien malgré tout… C’est pire aux États-Unis… On a fait du chemin… Quelques anecdotes d’il y a 10 ou 15 ans… Notre média va survivre… Il sera différent… On doit repenser nos modèles d’affaires… On s’adapte… D’ailleurs, on est maintenant sur Facebook et sur Twitter, l’avenir s’annonce prometteur… L’avenir ne s’annonce certainement pas prometteur pour ces derniers. Ils survivront, certes, mais sous quelle forme s’ils ne s’adaptent pas rapidement ?
Et l’internationalisation là-dedans ?
Cela ne serait pas dramatique pour nos grands médias si chaque dollar perdu dans le média dominant était entièrement déplacé dans leurs propriétés Web. Mais ce n’est pas le cas.
Au Québec (et au Canada), bien que la télévision, la radio, l’imprimé et l’affichage soient dominés par un nombre restreint d’entreprises, on compte des centaines de nouveaux acteurs uniquement sur le Web : Google, Facebook, MSN, YouTube, Yahoo, LesPac.com, Teteaclaques.tv, etc. Fini le party pour les médias traditionnels qui voient les budgets de pub leur glisser entre les doigts ! Ces trouble-fête du Web sont rapides, ils innovent, révolutionnent les modèles d’affaires, n’ont pas de frontières et s’internationalisent. Plus inquiétant encore, l’an dernier, plus de 40 % des investissements publicitaires en ligne au Canada ont profité à des intérêts non canadiens.
En d’autres mots, il s’est investi 1, 6 milliard $ en publicité Internet l’an dernier au Canada. Ce montant a été retiré de la télévision, de la radio, de l’imprimé et de l’affichage, c’est-à-dire de nos entreprises médias canadiennes et québécoises. À qui tout cela a-t-il profité ? Dans les faits, 77 % de tous les investissements publicitaires effectués sur Internet ont profité à 10 entreprises, selon le dernier rapport du Bureau de la publicité interactive du Canada (IAB Canada). Qui plus est, plus de 640 millions de ces dollars se sont éclipsés à l’international.
Le train passe à 200 kilomètres à l’heure et que fait-on ? On continue à débattre sur le sujet, on parle, on essaie de s’adapter, on s’annonce sur Twitter et sur Facebook.
Le terrain de sable s’est agrandi
L’industrie des médias doit se donner les moyens de faire des avancées internationales. Elle doit innover. Elle doit cesser de stagner et de penser que le Québec et le Canada sont ses seuls carrés de sable. Elle doit surtout cesser de jouer à l’autruche. Vous devriez voir les foutaises que l’on peut lire dans certains des rapports annuels de ces entreprises en vue de rassurer les actionnaires.
Imaginez un instant ce que serait notre industrie si un média d’ici avait créé Google, Facebook, MySpace, Yahoo ou encore YouTube. Pensez aux revenus publicitaires que cela pourrait générer pour nos entreprises, aux retombées internationales qui viendraient nous positionner sur l’échiquier de la Toile. En 2008 seulement, les revenus de Google se sont établis à 21 milliards $, ceux de Yahoo atteignaient 7,2 milliards $, alors que Facebook engrangeait près de 300 millions $.
Mais ici, on préfère recycler les concepts. D’ailleurs, un nouveau poste de télévision s’est récemment spécialisé en la matière. Sur Internet, nos médias préfèrent créer des versions francophones de grands succès internationaux. Pourtant, il est clair que la croissance et le rayonnement de ces entreprises passeront inévitablement par les idées.
Vous êtes en manque d’idées ? Faites comme les propriétaires de Google, organisez des rencontres avec vos employés les plus allumés. Cessez de croire que les meilleures idées viennent de la haute, et parfois grisonnante, direction.
Parmi mes souvenirs de gars d’agence me revient toujours en mémoire le concours d’idées publicitaires que nous avions organisé pour stimuler la créativité du groupe. Savez-vous qui a remporté les grands honneurs ? Vous me direz sûrement une personne du département de création, du média ou du service-conseils. Vous n’y êtes pas du tout ! La grande gagnante du concours d’idées publicitaires œuvrait au service de la comptabilité. Une employée à qui malheureusement nous n’avions jamais demandé l’avis auparavant.
La guerre se gagne à renfort d’idées brillantes. Osez faire des acquisitions à portée internationale, lancez des remue-méninges à l’échelle planétaire s’il le faut. N’est-ce pas le pari qu’a fait Google en lançant son concours d’idées planétaire, une compétition ouverte à tous ses utilisateurs et qui pourrait valoir 10 millions $ à son grand gagnant ? Comme on disait ici il n’y a pas si longtemps encore : « Ça change pas l’monde, sauf que… » Ça fait réfléchir, non ?